Les trois quarts des Français empruntent pour financer leur achat immobilier mais l’accès au crédit risque (encore) de se resserrer dans les prochains mois. Les pistes pour emprunter sans se tromper.
Tous les acteurs de l’immobilier s’accordent à dire qu’obtenir un crédit nécessite désormais un dossier plus solide, mieux préparé. Avec la crise économique générée par le coronavirus, les banques sont polarisées sur le soutien aux entreprises au détriment parfois des particuliers ; des clients, pourtant solvables, se voir refuser un crédit.
Avant cette crise sanitaire, les banques avaient déjà engagé un durcissement de leurs conditions d’octroi de prêt car le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) avait estimé que le marché du crédit immobilier était proche de la surchauffe. Dans les prochains mois, les établissements bancaires seront donc particulièrement attentifs au dossier présenté. Solvabilité, montant de l’apport personnel, situation professionnelle, habitudes de consommation : tout sera examiné. Mais du côté de l’emprunteur, il faut également rester vigilant sur les propositions de la banque, notamment sur les frais annexes qui font augmenter le taux annuel effectif global (TAEG), c’est-à-dire la somme réellement payée par l’emprunteur pour son crédit.
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Bien préparer son dossier pour faire baisser le taux
Plus le dossier est rassurant pour la banque, plus le taux sera attractif. Il est donc nécessaire de bien le préparer en commençant par faire le point sur l’apport personnel disponible, c’est-à-dire l’épargne que l’acquéreur peut utiliser en vue de son achat immobilier. Mobiliser son apport personnel permettra de diminuer la part de l’emprunt et de faire en sorte que les mensualités liées au remboursement du bien ne représentent pas plus de 33 % du revenu net mensuel de l’acquéreur.
Le HCSF a demandé aux banques de bien respecter ce ratio qui était jusqu’alors souplement appliqué.
La banque peut également réclamer que soient joints au dossier des justificatifs d’ancienneté du salarié et préférer les dossiers avec au minimum un an d’ancienneté. Cela signifie que si l’un des membres du ménage est en CDD par exemple, mieux vaut attendre quelques mois — le temps de passer en CDI — avant d’envoyer un dossier. De la même manière, les banques regardent si l’emprunteur a un comportement sérieux. Il doit aussi montrer qu’il n’y a aucun incident de paiement sur ses comptes. La banque peut donc demander des relevés de compte sur un an, mais aussi des quittances de loyer. Ces efforts permettent de bénéficier d’un taux attractif.
Le taux moyen était de 1,13 % en février 2020 pour une durée de 15 ans selon l’Observatoire du Crédit Logement mais les bons dossiers peuvent bénéficier d’un taux situé entre 0,75 % et 0,91 % sur une période de 10 ans. Tout indique que les taux vont rester à ce niveau jusqu’à la fin de l’année puisque les banques centrales souhaitent continuer à soutenir l’activité économique par des taux bas. En revanche, les dossiers plus fragiles ne bénéficient pas des mêmes avantages : l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) indique qu’une partie des crédits se situe au taux de 2,44 %. Entre deux emprunteurs, la différence peut donc être de 1,69 point.
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N’hésitez pas à vous adresser à un courtier en crédit dont la mission est de consulter les banques à votre place et de vous transmettre la meilleure offre. Le courtier peut vous faire obtenir un taux inférieur de 0,1 % à 0,3 % à celui que vous auriez obtenu seul.
Rien ne vous empêche de consulter votre banque en parallèle : si elle veut vous garder comme client, elle s’alignera généralement sur les conditions proposées.
Penser au taux de l’assurance emprunteur
Avant d’accorder un crédit, la banque demandera à l’emprunteur de souscrire une assurance emprunteur qui rembourse les mensualités en cas de décès ou d’invalidité de celui-ci. Dans 90 % des cas, l’emprunteur se voit proposer un contrat de groupe préalablement négocié par la banque avec une compagnie d’assurance, contrat sur lequel la banque réalise aussi une marge arrière. Ces contrats groupes sont généralement coûteux : ils augmentent de 0,4 % à 0,6 % le taux annuel effectif global du crédit.
Il peut donc être intéressant de passer par une assurance individuelle et de demander pour cela une délégation d’assurance.
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En dessous de 40 ans et avec un bon profil, il faut demander cette délégation car les assurances individuelles sont très compétitives. Si le dossier est un peu fragile et que la banque fait pression pour que l’assurance groupe soit choisie, il sera toujours possible de changer d’assurance emprunteur dans l’année. Mais mieux vaut passer par un courtier en crédit ou en assurance pour être aidé dans cette démarche.
Limiter les autres frais
Outre l’assurance décès invalidité, les banques prennent des garanties sur le bien au cas où l’emprunteur ferait défaut pour d’autres raisons. Jusqu’à ces derniers mois, les banques acceptaient de prendre une hypothèque sur le bien : en cas de défaillance de l’emprunteur, il revenait alors à la banque de saisir le bien et de le vendre. Mais en période d’incertitude, les banques veulent éviter ce genre de démarche et préfèrent les emprunteurs dont les dossiers sont acceptés par les organismes de cautionnement du type Crédit logement ou Sacef qui se substituent à la banque en cas de défaillance de l’emprunteur, à charge pour eux de poursuivre l’emprunteur. Il faut compter 2 630 € pour le cautionnement d’un emprunt de 200 000 € contre 1 200 € pour une hypothèque. Ces coûts sont à intégrer dans votre budget. Mais être accepté par ces organismes implique d’avoir un dossier emprunteur solide, ce qui élimine certains emprunteurs aux dossiers atypiques, notamment les commerçants qui ont parfois des revenus suffisants mais fluctuants.
Négociez aussi les frais de dossier demandés au moment de l’emprunt. Il ne faut pas qu’ils dépassent 300 €. La conjoncture a diminué la marge de négociation des particuliers face aux banques, mais si votre dossier les intéresse, les banques acceptent de vous faire un contrat sur mesure.
C’est aussi à ce moment qu’il convient de négocier les pénalités de remboursement anticipées qui peuvent être élevées (six mensualités de crédit dans la limite de 3 % du capital restant dû par exemple) afin d’être dissuasives en cas de rachat de crédit. Et ce, d’autant plus qu’en moyenne, les crédits sont remboursés au bout de sept ans à la suite d’un déménagement, divorce, etc., même s’ils ont été souscrits pour 25 ans. Tentez donc de négocier un crédit qui ne comporte pas de pénalités de remboursement anticipé.
L’accès au crédit… trop restreint ?
Depuis novembre 2019, les demandes du HCSF et de la Banque de France ont « obligé » les banques à choisir rigoureusement les meilleurs profils, par peur des éventuelles sanctions.
Ces choix se sont traduit par une baisse des accords de crédits pour 10 % des dossiers qui auraient été acceptés un an plus tôt. À cela, s’est ajoutée une baisse inquiétante du taux d’usure, passé de 2,61 % au 1er trimestre 2020 à 2,51 % au 2è trimestre pour les prêts sur 20 ans et plus.
Ce taux d’usure ne permet pas toujours d’intégrer tous les frais liés au crédit et qui comptent dans le taux annuel effectif global. Les dossiers les plus fragiles, notamment les emprunteurs un peu âgés, sont donc bloqués par ce taux maximal. Ces nouvelles contraintes s’ajoutent à une actualité immobilière déjà chaotique qui commence à produire de premiers effets très préoccupants pour le marché immobilier.
Si les taux remontent, de nombreux acquéreurs potentiels se verront exclus de l’accès au crédit, Il devient urgent d’assouplir un peu les règles.